Wagner : TANNHÄUSER
Après quelques essais de jeunesse, Wagner révolutionna réellement l’opéra avec le Vaisseau fantôme et Tannhäuser. On considère souvent que ces deux opéras sont une bonne introduction à Wagner, car plus faciles d’accès que les suivants qui montrent plus d’innovations harmoniques et d’enchevêtrement des thèmes musicaux. Tannhäuser est aussi le premier opéra de Wagner à disposer vraiment et nettement de la structure équilibrée en trois actes des futurs opéras. Le sujet se résume « facilement » : Tannhäuser réside au Venusberg auprès de Vénus, dans une vie de débauche, avant de retourner retrouver l’amour auprès d’Élisabeth. Mais son passé est découvert, et il est banni loin de la cour et d’Élisabeth. Il ne pourra revenir que s’il va à Rome avec des pèlerins (le choeur de pèlerins « hante » tout l’opéra) et obtient l’absolution du Pape. Ce dernier la lui refuse, ou plutôt lui exprime qu’il l’obtiendra uniquement quand son bâton de bois se mettra à fleurir. Naturellement, à la fin de l’acte III, le bâton fleurit et Tannhäuser épouse Élisabeth.
La production de Nikolaus Lehnoff à Baden-Baden est très réussie et méritait d’être immortalisée. Musicalement, il n’y a que des compliments à faire. Waltraud Meier, qui chante le rôle de Vénus depuis près de trente ans, est magnifique à tout point de vue. Quel dommage que le metteur en scène n’ait pas eu l’audace, comme cela se fait parfois, de distribuer Vénus et Élisabeth à la même chanteuse. Cela nous aurait fait profiter de la présence de Waltraud Meier pendant trois actes. Au contraire Lehnhoff joue sur les contrastes et préfère une Élisabeth qui soit l’opposé de Vénus, en termes de sentiments (pureté et amour filial contre débauche et provocation), de costume et de mouvements. D’ailleurs, Camilla Nylund est une Élisabeth très émouvante (par exemple lorsqu’elle demande le pardon pour Tannhäuser), et elle figure avec Robert Gambill un ensemble d’amoureux très crédibles et musicalement irréprochables (quel duo de l’acte II!).
Le jeune chef Philippe Jordan devient à 34 ans le nouveau directeur musical de l’Opéra de Paris, après avoir déjà fait ses preuves à Berlin avec ce Tannhäuser, Vienne (Capriccio), Covent Garden (Salomé, commenté ici en mai dernier) et Zurich (la Tétralogie). Il est ici parfait, faisant preuve à la fois de musicalité et de grande maîtrise.
Si ce DVD est remarquable musicalement comme on l’a dit, le spectacle est également très réussi visuellement. Après un premier acte en blanc et noir et avant un troisième acte très recueilli où les personnages sont habillés de sombre, les chanteurs évoluent très colorés au second acte dans un décor dépouillé. Il est vrai que la production a pris le parti de nous rendre l’intrigue agréable à voir, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas de nos jours. Les costumes sont simples (difficile de dater l’époque qu’ils sont censés représenter) mais très pertinents et riches : par exemple les costumes diffèrent en fonction de l’importance des personnages, et chaque chevalier montre au moins trois tenues (rouge profond, or ou noir) au cours des trois actes. La qualité technique des images est excellente, renforcée par la présence de nombreux gros plans.
Naturellement, comme dans toute production, il existe des détails qui convainquent moins que d’autres. Nous n’avons pas été conquis, avouons-le, par le déguisement en ver de terre des Naïades, ni par le micro passant de main en main lors d’un concours de chant transformé ainsi en karaoké médiéval (musicalement d’une grande tension). Mais tout cela est bien véniel comparé au plaisir des oreilles et des yeux que nous offre l’ensemble de ce DVD, très bonne introduction à Wagner