When good science meets good technologies
R&D pharmaceutique, essai clinique, innovation thérapeutique, nouvelles technologies, digitalisation… sont autant de sujets et d’enjeux qui mobilisent Servier au service des patients et des professionnels de santé. Virginie Dominguez (X98), vice-présidente exécutive Digital Data & SI, et Claude Bertrand, vice-président exécutif R&D au sein de Servier, nous en disent plus sur les synergies collaboratives qui existent entre leur deux directions afin justement de relever ces challenges. Rencontre.
Le digital, l’IA, le Big Data et les nouvelles technologies redessinent les contours du monde de la santé et plus particulièrement la R&D. Qu’observez-vous à ce niveau ?
Claude Bertrand : La transformation digitale est largement engagée dans le monde de la pharmaceutique, notamment dans le domaine de la R&D. C’est un enjeu dont Servier s’est emparé depuis déjà plus de 5 ans. Dans ce cadre, il nous semble essentiel de faire la différence entre ce que l’on appelle les « case studies » et les processus fondamentaux qui vont véritablement changer les processus R&D. Encore aujourd’hui, les probabilités de succès d’un candidat médicament restent faibles notamment à cause de la difficulté à modéliser des processus moléculaires et cellulaires extrêmement complexes dans les pathologies d’intérêt. Si le digital et l’IA vont clairement faire la différence sur le court et le moyen termes, nous en sommes tout de même aux prémices de cette révolution qui ne concernera pas uniquement la R&D, mais tout le cycle et la chaîne de valeur de la R&D, ainsi que le time-to-market, l’industrialisation… Toutes les technologies qui se développent aujourd’hui dans le monde pharmaceutique, comme le machine learning, le Natural Language Processing, le knowledge graph, ou encore tout ce qui tourne autour de la data… vont venir « augmenter » les chercheurs et les médecins. Ces technologies sont donc des outils supplémentaires à leur disposition et elles n’ont pas vocation à les remplacer.
« La transformation digitale est largement engagée dans le monde de la pharmaceutique, notamment dans le domaine de la R&D. »
Virginie Dominguez : Il s’agit, en effet, d’allier « good science with good technologies » pour accélérer la recherche et les progrès scientifiques. Nos équipes data et digital travaillent aujourd’hui main dans la main avec la R&D autour de plusieurs axes, toujours au service des patients. Les principaux sujets sont ainsi l’accélération du processus de découverte et de mise sur le marché de nouveaux médicaments ; l’optimisation de la phase de diagnostic ; le développement de la médecine personnalisée ; l’amélioration de l’adhérence aux traitements, le suivi des patients et la collecte de données de vie réelle grâce à des dispositifs et des assistants digitaux.
Ces technologies vont aussi contribuer à optimiser les essais cliniques grâce à de nouvelles méthodologies qui vont permettre améliorer le traitement et l’analyse des données de santé, et, in fine, accélérer aussi le time-to-market. D’ailleurs, on peut imaginer que, demain, les essais cliniques seront décentralisés et ne seront plus exclusivement réalisés dans les hôpitaux. Cela permettra de les étendre à plus de patients, de limiter les déplacements systématiques dans les établissement pour prendre des mesures (ambulatoires), mais aussi de collecter beaucoup plus de données, ce qui est essentiel pour aller plus vite dans la recherche et proposer des traitements plus adaptés et personnalisés.
Enfin, ces technologies vont aussi contribuer à transformer d’autres activités clés comme la supply chain, ou encore la réduction de notre empreinte environnementale.
Dans ce cadre, pouvez-vous nous rappeler le positionnement de Servier ?
C.B : Servier est un groupe pharmaceutique international, gouverné par une fondation. Cette particularité nous donne une indépendance et une autonomie absolues en matière de gouvernance et de choix stratégiques. Parce que nous n’avons pas d’actionnaires, nous avons cette capacité à nous inscrire dans le temps long et à avoir une certaine marge de manœuvre en matière de prise de risques. Avec ce positionnement unique, le bénéficiaire ultime de notre action est le patient ! Pouvoir prendre des risques, toutefois mesurés et raisonnés, est un véritable vecteur de différenciation et d’attractivité !
» Il s’agit, en effet, d’allier « good science with good technologies » pour accélérer la recherche et les progrès scientifiques. »
Servier est aussi le deuxième groupe pharmaceutique français. Nous produisons 97 % de nos principes actifs en France et 60 % de notre production pharmaceutique en Europe. Nous exportons 90 % de cette production dans plus de 150 pays. L’indépendance sanitaire de l’Europe et de la France a toujours été au cœur de nos préoccupations. Nous sommes fiers de cet ancrage national qui crée non seulement de la valeur, mais également des emplois. Nous restons mobilisés afin de maintenir cette industrie stratégique, ce savoir-faire et cette excellence, notamment en matière de recherche, en France.
Quelles sont les pistes et les projets qui mobilisent vos deux directions ?
V.D : La R&D est le cœur du réacteur de l’industrie et de la recherche pharmaceutiques. Au service de la découverte et du développement de nouveaux médicaments, notre R&D occupe plus d’un tiers de nos ressources humaines, financières et technologiques.
Dans ce cadre, nous avons lancé plusieurs projets dont :
La plateforme collaborative FEDERATES, un véritable cockpit du chercheur, où il va retrouver toutes les données de recherche internes et externes ; réserver des ressources humaines et/ou technologique pour réaliser des expérimentations, des modélisations… Comme précédemment mentionné, cet outil contribue à « augmenter » le chercheur afin qu’il puisse avancer plus rapidement et efficacement sur ses projets. Ce projet, qui a occupé pendant deux ans une quarantaine de personnes et a nécessité un investissement de près de 30 millions d’euros, nous permet de capitaliser aujourd’hui sur un outil performant et unique au monde dans notre secteur.
« Nous avons lancé SCORE, une plateforme qui permet de récolter et d’analyser plus rapidement les données relatives à nos essais cliniques. »
Sur la partie clinique, nous avons lancé SCORE, une plateforme qui permet de récolter et d’analyser plus rapidement les données relatives à nos essais cliniques en lien avec nos 16 centres de recherche dans le monde. Elle permet aussi de digitaliser certaines phases de ces essais qui doivent ensuite être soumises aux différentes agences (FDA, ANSM…). Elle apporte un véritable gain de temps, de productivité et d’efficacité grâce notamment à un suivi en temps réel des recrutements. Nous avons aussi opté pour une technologie ouverte sur son environnement dans cette optique de développement d’essais cliniques décentralisés avec une collecte de données provenant de différents objets connectés, capteurs et sources…
La mise en place d’une roadmap « Data & IA for R&D » très ambitieuse avec 25 cas d’usages à très forte valeur ajoutée comme le développement d’un algorithme de machine learning et d’un knowledge graph pour identifier des cibles thérapeutiques à l’origine de pathologies et proposer ainsi un sous-ensemble de cibles pour accélérer le Target Discovery ; ou encore d’un moteur de conception de protéines et d’identification de leur propriétés in sillico afin de se concentrer sur des nouvelles molécules qui auront le plus grand intérêt.
En parallèle, dans cette démarche, nous collaborons avec l’ensemble de l’écosystème et notamment de nombreuses start-up dont Aqemia, Owkin, Iktos ou encore Qubit.
Vous ouvrez également au premier semestre 2023 votre Institut de recherche et de développement Servier à Paris-Saclay. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C.B : L’arrivée des premiers collaborateurs a eu lieu le 14 février dernier et la dernière vague d’arrivée devrait se terminer fin mai. Le choix de Saclay s’inscrit dans notre volonté de venir consolider tous nos centres de recherche français sur un hub mondial unique qui sera à la croisée des sciences dures et du vivant. Sur une superficie de 45 000 mètres carrés, cet institut de recherche va accueillir nos équipes de R&D (hormis la CMC) et devrait regrouper 1 500 collaborateurs. L’idée est de rassembler tout notre chaîne de valeur R&D sur ce site qui aura également vocation à travailler avec nos centres de recherche clinique et de R&D dans le monde entier.
Au-delà, Saclay est aussi une implantation de choix pour l’industrie pharma, car il rassemble un écosystème unique composé des plus belles écoles et universités ; des instituts de recherche prestigieux comme INRIA, l’Inserm ou encore le CEA ; ainsi que de grandes entreprises et des start-up de différents secteurs d’activité. Cet environnement va contribuer à assurer l’accélération de notre innovation et de nos découvertes.
Enfin, nous ouvrons aussi un incubateur avec BioLabs, le leader mondial sur ce segment. Ce sera, d’ailleurs, leur premier site en France pouvant accueillir plus d’une dizaine de jeunes pousses.
En termes de digitalisation et de transformation des SI, quels sont vos enjeux ?
V.D : Nous en avons principalement trois : contribuer à l’accélération de l’innovation thérapeutique ; mettre à disposition des nouveaux outils, services digitaux et data à destination des patients et des professionnels de santé ; et, sur un plan plus classique, améliorer l’efficience du groupe et de nos processus pour continuer à croître et investir dans la recherche.
Et sur le plan humain et compétences, quels sont les talents que vous recherchez ?
C.B : Nous recrutons bien évidemment des profils classiques de notre industrie : biologistes, chimistes, pharmaciens, médecins ; mais aussi des data scientists, des data ingénieurs, des bioinformaticiens, des biostatisticiens… En parallèle, nous accordons une attention plus particulière à la pluridisciplinarité, aux talents ayant une double compétence ainsi qu’aux soft skills. Nous recherchons avant tout des collaborateurs curieux, qui aiment travailler de manière collaborative, prêts à prendre des risques et dotés d’une âme d’entrepreneurs.