Yespark : l’économie du partage au service du stationnement
En 2014, Thibaut Chary (X10) a cofondé Yespark, qui est un service permettant de louer une place de parking au mois, facilement et sans engagement. Il participe activement à résoudre les problèmes de stationnement en zone urbaine, grâce à sa technologie et son offre de 45 000 places de parking en France, en Italie et aux Pays-Bas. Pour connecter ces parkings, l’entreprise installe une technologie développée en interne, qui permet aux abonnés d’ouvrir leur parking directement depuis leur smartphone, grâce à l’application mobile Yespark.
Que permet Yespark ?
Yespark est une solution de mobilité fondée sur la valorisation des parkings. Solution de mobilité d’abord. Nous sommes une plateforme où les automobilistes des grandes villes qui n’ont pas de parking avec leur appartement louent une place près de chez eux, et où les grands loueurs de véhicules en autopartage garent et rechargent leurs flottes. Valorisation de parkings, ensuite. En louant les places auparavant vacantes, nous générons des revenus additionnels pour les propriétaires. En installant et opérant des bornes de recharge pour véhicules électriques, nous accroissons la valeur de leur patrimoine et offrons une solution de charge à leurs locataires. Utiliser Yespark, c’est utiliser les parkings souterrains pour améliorer la qualité de vie en ville.
Comment t’est venue l’idée ?
Le déclic a eu lieu en 2013, dernière année sur le campus. Le point de départ, c’est une idée limpide et concrète. Un problème qui touche des millions de Français. Un ami qui habitait à Boulogne-Billancourt me raconte, choqué, qu’il a remarqué que la quasi-totalité des places de son parking sont vides, alors que se garer dans la ville est un casse-tête. Il ne manquait plus qu’une équipe pour relever le défi !
Quel est le parcours des fondateurs ?
Je rencontre Charles Pfister en 2014. Il est en dernière année à CentraleSupélec. Il cherche un associé et un projet ; j’ai un projet et je cherche un associé. Le courant passe, nous commençons à travailler ensemble. Les premiers contrats tombent, l’aventure est lancée !
Qui sont les concurrents ?
Nous nous cantonnons alors au marché du stationnement. D’autres start-up naissent au même moment. Elles se concentrent sur les stationnements de quelques heures ou quelques jours, dans des quartiers événementiels ou proches des aéroports. Nous sommes convaincus que le besoin est plus simple : nous sommes une solution de stationnement résidentielle, là où les gens habitent, sur abonnement mensuel.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Yespark croît d’année en année, tout en étant rentable. Nous discutons quotidiennement avec les automobilistes, les grands propriétaires fonciers et les villes. Nous comprenons que l’enjeu de demain va au-delà du simple stationnement. Dans un monde où les voitures sont électriques, le parking devient la nouvelle station-service. Face aux besoins croissants, nous développons notre solution de charge, pour offrir toujours plus de services aux automobilistes et aux propriétaires de parking. Demain, la ville sera verte, propre et silencieuse !
Y a‑t-il encore de la place pour l’ubérisation ?
L’explosion des dark stores, ces magasins sans client, dédiés à la livraison ultra-rapide de produits de grande consommation, semble être une réponse sans appel. Ces nouveaux services soulèvent des questions de rapport à la ville, à la vitesse, à la vie, au monde… Je considère Yespark plutôt comme une solution d’optimisation. Dans une ville, une très grande part du foncier est dédiée au stationnement. Pensez aux centaines de milliers de places de stationnement qui bordent les rues ! Pour une ville comme Paris, c’est l’équivalent de 2 000 terrains de football ! Personnellement, je préfère y voir des terrasses ou des jardins pour enfants, plutôt que des voitures.
Pourquoi la numérisation du stationnement met-elle autant de temps à se développer (hors paiement par mobile) ?
Le secteur du stationnement vit son évolution numérique plus lentement que d’autres secteurs, c’est vrai. Peut-être parce qu’il contient une dimension physique très importante. Pour autant, j’observe de nombreux changements ces dernières années. Les opérateurs de stationnement en souterrain développent de nouveaux moyens d’accès (lecture de plaque) et de réservation (par application). Les propriétaires de parking privé commercialisent leurs emplacements de manière numérique (sur des plateformes comme Yespark) et des logiciels de gestion des parkings se développent. Les opérateurs de stationnement en voirie enfin, via le paiement bien sûr, mais également le contrôle du stationnement. Ma conviction est d’ailleurs que, grâce au numérique, ces trois mondes (souterrain public, souterrain privé et voirie) vont se rapprocher, pour offrir une expérience plus complète, plus fluide et plus efficace. Je pense enfin que l’électrification du parc automobile, et donc du stationnement, va accélérer sa digitalisation comme on dit outre-Manche.
Sommes-nous arrivés au terme d’un certain modèle de développement urbain autour de la voiture ?
C’est un tournant, clairement. Il y a huit ans, 100 % de nos automobilistes clients étaient des particuliers, propriétaires de leur véhicule. Aujourd’hui, les flottes de véhicules professionnels représentent plus de 10 % des véhicules qui se garent chez Yespark. Et une bonne partie d’entre eux sont des véhicules en location. Le partenariat que nous avons annoncé avec Getaround en avril est un bon exemple du rôle du stationnement numérique dans le développement de cet usage : dans un monde où les politiques publiques poussent les véhicules de la voirie aux souterrains, comment rendre les véhicules de location accessibles à tous ? Comment stocker ces véhicules lors des creux de la demande ? Comment recharger ces véhicules, de plus en plus électriques ?
Le véhicule autonome changera-t-il la donne ?
Véhicule individuel. Véhicule partagé. La suite logique est en effet le véhicule autonome. Même si son développement me paraît encore lointain, il va renforcer la « servicisation » du véhicule. En considérant que le véhicule autonome sera partagé, on peut anticiper plusieurs impacts du véhicule autonome sur le stationnement. Tout d’abord, on peut prévoir une baisse de la demande en stationnement, du fait de la diminution du nombre de véhicules en circulation et de l’augmentation du taux d’utilisation de ceux-ci. On peut aller encore plus loin, et prévoir une désertion des véhicules, qui préféreraient rouler à très basse vitesse entre deux courses, plutôt que stationner. En effet, le stationnement pourrait coûter plus cher qu’une course « d’attente ». Les pouvoirs publics pourraient alors taxer le fait de rouler pour contrer cette dérive. Enfin, on peut prédire un effet contradictoire, qu’on observe déjà avec les flottes de véhicules partagés : un véhicule autonome aura un besoin important de recharge, de nettoyage et de petites réparations. Ces opérations ne pourront évidemment se faire qu’à l’arrêt, ce qui accroîtra la demande en stationnement.
Qu’est-ce qui est le plus difficile quand on crée son entreprise ?
Si seulement une seule chose était difficile… Les difficultés changent avec la vie de la société. Pendant huit années, nous avons fait le choix d’être une société rentable, ce qui a demandé beaucoup d’attention dans la gestion, beaucoup de focus. Les changements de fond dont nous avons parlé (place de la voiture dans les villes, véhicules électriques, véhicules partagés, etc.) me font aujourd’hui changer de braquet : l’enjeu n’est plus le focus, mais l’ambition…