Ylios : le pari réussi d’entreprendre dans le conseil face aux géants
En 1988, Karim Hatem (X84) a cofondé un cabinet de conseil dénommé Ylios, qui intervient sur la stratégie, l’organisation, la transformation, le management, la prospective et l’influence auprès de grands groupes internationaux, d’entreprises et d’institutions publiques. Ce cabinet indépendant a construit son excellence dans le conseil aux secteurs économiques en dérégulation ou en disruption.
Quelle est l’activité d’Ylios ?
Ylios est un cabinet de conseil de direction, qui assiste les dirigeants dans des domaines variés comme la stratégie, la conduite des grandes transformations, la gouvernance, les accélérations de développement business ou encore la transformation managériale et culturelle.
Quel est le parcours des fondateurs ?
La création d’Ylios remonte à plus de trente ans. À l’origine, on compte quatre cofondateurs, avec des profils très variés : l’un, diplômé d’une école de commerce, avait fait un DESS en psychosociologie, ce qui a marqué l’ADN d’Ylios et de son projet. Le second avait fait des études de sociologie et était diplômé du même DESS. Un troisième, au profil plutôt littéraire, était diplômé en philosophie. Et enfin moi, jeune ingénieur X Télécom.
Comment t’est venue l’idée d’entreprendre ?
Trois idées clés nous ont menés à la création d’Ylios. D’abord la conviction que le numérique allait changer profondément les entreprises. J’ai toujours baigné dans le monde des télécoms ; mon père a fait sa carrière dans cet univers, au Liban puis à l’ONU et au PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), et j’avais un référentiel pour avoir une idée du potentiel de ce qui arrivait. Ensuite l’envie de créer une entreprise. Enfin, la rencontre avec mes futurs associés.
Qui sont les concurrents ?
Aujourd’hui nous avons deux grandes catégories de concurrents. D’un côté, les grands noms du conseil en stratégie : McKinsey, BCG, Bain & Company, Roland Berger, etc. De l’autre, des cabinets de taille moyenne, comparable à la nôtre : AlixPartners, PMP Strategy, L.E.K… Et en plus on voit poindre une troisième catégorie depuis quelques mois, les « nouveaux stratèges » : EY-Parthenon, Accenture.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
L’histoire d’Ylios a commencé au début des années 90, avec la modernisation du management à France Télécom et à La Poste, que nous avons accompagnée. Ce fut un chantier de plusieurs années qui nous a permis d’acquérir une bonne expérience de travail avec des très grands comptes. En 1998, la dérégulation du marché de l’énergie nous a donné l’occasion de travailler avec de grands énergéticiens, en France et en Europe.
Ylios entreprit une fusion avec un autre cabinet, BGM – IT Services, en 2000, mais elle se passa mal et cela faillit nous conduire au dépôt de bilan. En 2008, nous lançons un grand programme de transformation avec l’AP-HP, qui servira de modèle pour le grand programme conduit par les ministères du Budget et de la Santé. En 2010, une nouvelle tentative de rapprochement, avec StratOrg, qui sera très poussée mais ne se fera pas.
Deux nouveaux associés arrivent en 2014, permettant de valider le modèle innovant et ouvert de partenariat que nous avons conçu après l’échec du rapprochement avec StratOrg. En 2016, nous démarrons un grand programme avec la RATP, emblématique de l’excellence d’Ylios pour accompagner les grands acteurs dans les séquences d’évolution de la régulation de leur secteur. Enfin, en 2021, nous entamons un rapprochement avec Kea & Partners.
Qu’est-ce qui a changé ces vingt dernières années dans le domaine du conseil en management ?
En un mot, le métier s’est beaucoup professionnalisé et c’est une bonne chose. Il s’est aussi segmenté. Les clients et leurs services achat ont maintenant des grilles très structurées, avec des lots pour le référencement des cabinets de conseil en management. De nos jours, le métier s’élargit pour intégrer de nouveaux champs : la transformation numérique, les enjeux dits ESG (environnement, social, gouvernance…)
Tu es particulièrement impliqué sur les sujets de santé. Quels sont les changements majeurs auxquels tu as contribué et ceux à venir ?
J’ai toujours considéré que le secteur de la santé était passionnant. Il combine la science, les technologies, l’économique, le social, l’humain, le politique… Nous avons œuvré pour pousser les réformes du financement, la professionnalisation des activités, la performance, l’approche de parcours intégré domicile-ville-hôpital, la reconnaissance des métiers, avec des vrais résultats et quelques erreurs. Dans les changements à venir, on devrait voir se développer la numérisation et l’utilisation de plus en plus importante de la data, le développement de la prospective, l’évolution des métiers pour une meilleure attractivité, les thérapies personnalisées, le domicile augmenté…
On a récemment reproché au gouvernement de faire appel à un cabinet de conseil (McKinsey) sur des sujets stratégiques en matière de santé. Quel regard portes-tu sur ce type de décision et de débat ?
Pour moi, ce débat montre surtout les difficultés rencontrées par l’administration française, au sens large, pour se réformer, pour se moderniser et se doter des compétences dont elle a besoin. On a un réel décrochage dans l’attractivité des carrières dans le secteur public, ce qui fait que le public doit recourir au privé. Ce n’est pas une mauvaise chose dans l’absolu, mais il faudrait plus de dirigeants compétents sur les sujets de stratégie et de transformation dans le public, pour mener à bien les réformes, avec l’aide des consultants quand c’est utile.
Il y a aussi un « syndrome français paradoxal » sur les coopérations entre le secteur public et le secteur privé : nous avons dans de nombreux domaines une pratique de la concession qui est mondialement reconnue, et en même temps une administration qui n’arrive pas à intégrer les bénéfices d’une coopération intelligente entre le public et le privé, alors que c’est une évidence. Le rattrapage des télécommunications, le TGV, Airbus, le métro, plus récemment le succès du Plan fibre… sont le résultat de coopérations publiques-privées réussies.
Se faire un nom dans le secteur du conseil face à d’autres géants, n’est-ce pas un peu dingue ? Comment fais-tu pour y parvenir ?
C’est dingue, mais en même temps cela montre que, avec une stratégie bien pensée et bien exécutée, un entrepreneur arrive à trouver sa place. Nous sommes obsédés par la différenciation et l’innovation et, jusqu’à maintenant, cela nous a bien réussi.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes X intéressés par les métiers du conseil ?
Les conseils qui me viennent à l’esprit sont les suivants. D’abord, le conseil reste une voie privilégiée en sortie d’école, pour entrer dans la vie active et acquérir des compétences qui seront utiles tout au long de son parcours ; on a coutume de dire qu’une année dans le conseil compte pour deux années d’expérience dans une entreprise normale ; même si la formule est excessive, il y a un vrai delta.
Ensuite, il faut bien choisir son cabinet : la taille, le type de conseil (stratégie, management, numérique…). Il ne faut pas hésiter à changer de cabinet si celui où l’on entre ne répond pas à ses aspirations : tant qu’à y passer trois à cinq ans… Enfin réussir son passage dans le conseil, c’est aussi réussir sa sortie ; il y a de bonnes fenêtres pour sortir : trois ans, cinq-sept ans, dix ans. Au-delà de dix ans, on risque d’être catalogué et d’avoir du mal à se réadapter au fonctionnement d’une entreprise normale.