La santé, ça se travaille !
L’auteur prouve par son expérience personnelle comment on peut aller vers le yoga pour en découvrir les vertus proprement incroyables par nos esprits cartésiens.
Elle en a construit une méthode et une entreprise dont les succès sont avérés. Elle répond aux maux de notre monde du travail avec les moyens simplement humains.
Une fois quitté le plateau de Saclay, rien ne me destinait à vous parler aujourd’hui du corps et de sa place au travail par le prisme du… yoga ! Khâgneuse, j’ai fui les oraux de l’École normale supérieure, qui m’auraient conduite à devenir professeure de philo, pour intégrer HEC : je voulais avoir un impact et agir concrètement ! Pour me désennuyer des cours de microéconomie ou finance de marché, je me suis engagée dans une association humanitaire étudiante œuvrant dans le nord du Bénin. Pendant ma mission sur le terrain, à l’été 2005, j’ai été percutée de plein fouet par un gendarme à moto qui a perdu le contrôle de son engin sur une route de brousse, qui m’a détruit la jambe droite.
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Frôler l’amputation
Gravement blessée, j’ai été rapatriée en France. J’ai passé plus de six mois à l’hôpital et subi huit opérations. Victime de multiples infections nosocomiales, j’ai frôlé l’amputation et suis restée de longs mois en fauteuil roulant, y compris après mon retour sur le campus d’HEC (bien mal adapté aux chaises à roulettes !). Mon genou droit était très abîmé et les médecins m’avaient prévenue que je ne remarcherais peut-être jamais correctement. Perspective sympathique lorsqu’on a 20 ans !
Mes séances de rééducation étaient extrêmement douloureuses, je boitais comme une malheureuse, et des quantités astronomiques d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires et de calmants avaient considérablement affaibli mon système immunitaire ; j’étais tout le temps malade, fatiguée ou déprimée. Impossible pour moi alors de repartir travailler sur le terrain, comme je l’avais rêvé. Je suis devenue consultante auprès de patrons de grandes entreprises françaises, puis dans une grande entreprise du numérique. Un job passionnant, mais que j’exerçais assise toute la journée devant un écran.
La découverte du yoga
Un jour, en 2008, une collègue de bureau passionnée de yoga m’a proposé de me faire découvrir sa pratique. « Ça ne pourra pas te faire de mal ! », m’a‑t-elle dit. J’ai immédiatement été impressionnée par l’efficacité thérapeutique de cette discipline : dans le yoga, j’étais plus active que pendant mes séances de rééducation, tout en respectant le seuil de ma douleur. Au lieu de me laisser passivement plier le genou par un kinésithérapeute, dans les larmes et sous calmants, je reprenais petit à petit le contrôle de mes sensations et j’apprenais à compenser, avec le reste de mon corps, le handicap de l’un de mes membres.
Je suis très vite devenue accro au yoga, testant tous les cours de Paris et voyageant jusqu’en Inde, en Thaïlande et à Bali, en Australie et en Amérique latine pour rencontrer de nouveaux professeurs et découvrir de nouveaux styles de yoga. Au cours de mes dix séjours en Inde et dans toute l’Asie, j’ai appris à connaître l’hygiène de vie et la philosophie qui vont de pair avec cette discipline. Moi, l’intello allergique au sport, je comprenais peu à peu l’importance de connecter son corps et son esprit et d’adopter une discipline de vie saine.
Je découvrais une philosophie du bonheur que j’avais cherchée en vain dans les systèmes de pensée occidentaux pendant mes études. Pendant dix ans, je me suis rééduquée grâce au yoga. Ma jambe droite ne plie toujours pas à plus de 90 degrés – et je suis reconnue travailleuse handicapée depuis 2014 –, mais je peux aujourd’hui marcher sans boiter et soulager, grâce aux exercices, à la respiration et à la méditation, mes douleurs d’arthrite.
Le glissement vers la professionnalisation
La professionnalisation de ma passion du yoga s’est faite lentement, mais sûrement. Dès 2012, j’ai eu envie de partager cette découverte avec mes proches. Je me suis mise à donner des petits cours à mes amis – tous de jeunes cadres dynamiques qui travaillaient à La Défense. Dans mon métier de consultante, j’ai commencé à diffuser mes connaissances auprès de mes clients, à qui je proposais quelques exercices de respiration avant qu’ils ne prennent la parole en public, par exemple.
Surprise : ils m’en étaient bien plus reconnaissants que pour toutes les présentations que j’avais pu leur écrire ! En 2014, dans le monde du Web, j’ai découvert des équipes de jeunes actifs qui passaient la majeure partie de leur journée devant un écran et qui, à moins de 30 ans, consultaient déjà régulièrement un kiné ou un ostéopathe !
Plusieurs collègues sont venus me demander des conseils pour soulager leur stress ou leur mal de dos, pour arrêter de fumer ou retrouver le sommeil. Ils avaient entendu parler du yoga, pensaient que cela pourrait les aider, mais ne savaient pas du tout par où commencer et n’avaient jamais le temps d’en faire, ni de cours près de chez eux ! C’est là que j’ai constaté que les travailleurs sédentaires – aussi bien les dirigeants que les salariés – manquaient de solutions simples et immédiates pour soulager leur stress et les douleurs liées au travail sur écran.
Une formation en Inde
Le doute n’était plus permis : ma valeur ajoutée, c’était de faire entrer le yoga dans l’entreprise, et non de gérer de grands projets de système d’information. Au printemps 2015, j’ai tout quitté pour partir seule deux mois en Inde et passer mon diplôme de professeur de yoga thérapeutique : une formation de deux cent cinquante heures à Mysore, l’un des berceaux du yoga, auprès d’un maître indien, Bharath Shetty. Tous les jours, de 4 heures du matin à 20 heures, nous apprenions les postures traditionnelles du yoga, leur signification en sanscrit, leurs bienfaits et contre-indications, la philosophie et l’anatomie du yoga. J’en ai aussi profité pour me former à l’alimentation et à la médecine ayurvédiques, c’est-à-dire la médecine traditionnelle indienne liée au mode de vie des yogis.
La méthode Yogist
De retour à Paris, j’ai lancé Yogist Well At Work, la première start-up de yoga corporate. L’objectif : créer une méthode adaptée à l’état d’esprit et aux besoins des actifs, des indépendants ou des salariés des grandes entreprises, des PME ou des start-up… bref, de tous ceux qui travaillent assis devant un écran ! Le challenge était également de dépasser certains préjugés (le cliché du yogi hippie aux dreadlocks parlant de chakras à tout bout de champ a encore la vie dure !) et d’épurer le yoga de ses aspects ésotériques pour l’introduire dans les open spaces, les codir et les comex sans faire fuir les esprits cartésiens.
« Yogist Well At Work est la première start-up de yoga en entreprise. »
C’est ainsi qu’est née la méthode Yogist, que j’ai développée avec la validation d’un ostéopathe et d’une psycho-ergonome de la médecine du travail, puis avec le concours de neuroscientifiques et de médecins : une méthode de prévention des douleurs et du stress au travail qui se fait sur une chaise, à son bureau, et s’adapte à tous les métiers et à toutes les positions, debout, assis, en voiture…
J’ai formé une équipe de talentueux professeurs qui interviennent dans les entreprises et j’anime aujourd’hui de nombreux séminaires, conférences et formations pour sensibiliser les dirigeants aux nouveaux enjeux de l’ « expérience collaborateur », de la « qualité de vie et des conditions de travail », de la « responsabilité sociale des entreprises »… Des mots compliqués pour parler de choses simples : prendre soin du corps et du cerveau des humains au travail.
Un succès incroyable
Ma méthode a été publiée en 2015 sous la forme d’un premier livre, Comme un Yogist, et traduite en allemand. Pour toucher un maximum de travailleurs, j’ai créé un outil numérique après avoir passé un peu de temps dans la Silicon Valley pendant la mode des chatbots : un garde du corps numérique intelligent qui permet à chacun de bouger et de respirer pendant sa journée passée devant un écran, chez lui ou en télétravail.
L’équipe s’est agrandie de personnalités formidables et nous avons passé trois ans au sein de la Station F. De grandes entreprises et plus de 350 clients ont osé faire bouger leurs collaborateurs pendant leurs grands rassemblements, osé parler des maux du travail moderne avec humour et nous ont permis de rencontrer un nombre incroyable de personnes a priori réticentes au yoga, ou qui n’en avaient jamais entendu parler, et qui ont découvert une autre manière de prendre soin d’eux au quotidien sans se sentir ridicules au boulot. J’ai même fait découvrir cette pratique aux opérateurs des centres de logistique de Jumia, à Abidjan, et fait yoguer les 2 000 patrons en costume-cravate du Medef, médusés, pendant leur université d’été !
Depuis 2017, Yogist s’est internationalisé avec des partenaires au Brésil, à Londres et à Singapour, qui confirment que le monde entier souffre des mêmes douleurs liées aux nouveaux modes de travail. Pendant la Covid, nous avons utilisé le numérique pour voler à la rescousse des télétravailleurs isolés, sédentarisés, déprimés, et avons ainsi sensibilisé plus de 300 000 salariés aux bonnes techniques pour (télé)travailler sans s’abîmer. Et, depuis le premier confinement, nous avons formé 150 animateurs à notre méthode, qui la diffusent auprès de leurs collègues ou de leurs clients pour faire que le travail soit vraiment la santé.
Des solutions simples aux maux de l’époque
J’ai connu les hauts et les bas de l’entrepreneur. Les associations ratées, les joies inespérées, l’excitation des nouveaux projets qui voient le jour et la déception de ceux qui échouent, les montagnes russes émotionnelles et les petites joies du quotidien, les crises à surmonter. Je suis convaincue que le yoga m’a aidée à traverser ces creux et à escalader ces pics, en gardant une identité et des valeurs fortes, sans me brûler les ailes ni m’épuiser. Aujourd’hui, à l’heure où parler de santé mentale est devenue une obligation morale et protéger la santé physique une obligation réglementaire en entreprise, au moment où les risques psychosociaux explosent et les troubles musculo-squelettiques se multiplient, à l’époque où attirer et retenir les talents est devenu une compétition, il me semble urgent de parler des solutions simples, accessibles, bienfaisantes.
“Remettre l’humain au cœur du travail, mais au premier sens du terme.”
Des techniques que chacun peut mobiliser à tout moment pour résister au stress, pour dormir la nuit et arrêter de cogiter au programme du lendemain ou pour ne plus ressasser la réunion de la veille, pour prendre la parole en public de manière assurée et confiante, pour soulager ce torticolis qui l’empêche de se concentrer, cette fatigue oculaire qui l’empêche de travailler, ce mal de dos qui mine son énergie et le rend irritable avec ses clients, ses collègues, sa famille, et cette tendinite de la souris qui rend le travail pénible.
Pour « remettre l’humain au cœur du travail » oui, mais au premier sens du terme. Parce que notre corps et notre cerveau sont encore notre premier outil de travail. Parce que nous n’avons pas encore été remplacés par des robots et des algorithmes. Parce que c’est ce que les équipes attendent d’un dirigeant à l’époque du New Normal.
Le compte à rebours (Pauses Yogist, Solar, 2020) – Pour rendre ma réunion efficace
Et si vous proposiez aux participants de votre prochain meeting, en visio ou en présentiel, avant d’attaquer l’ordre du jour, de prendre deux minutes pour se concentrer et être efficaces ensemble ? Seul ou avec les autres participants, assis confortablement, fermez les yeux.
Faites abstraction des bruits et des mouvements ambiants et concentrez-vous sur votre respiration. Inspirez et expirez profondément et lentement par le nez, en sentant le ventre se gonfler et se vider à chaque respiration. En inspirant profondément par le nez, prononcez dans votre tête et visualisez le nombre 28.
En expirant lentement, prononcez et visualisez à nouveau le nombre 28. À l’inspiration suivante, pensez au nombre 27 et expirez en pensant encore à ce nombre. Comptez à rebours de 28 à 0 en visualisant le nombre correspondant à chaque respiration. Prenez tout votre temps pour arriver à 0, ce n’est pas une course, bien au contraire. Essayez de ralentir la respiration, et donc le débit des chiffres. Si vous perdez le compte et ne vous souvenez plus du dernier chiffre que vous avez prononcé, repartez depuis 28 !
Si vous le faites en groupe, vous pouvez lire le déroulement de l’exercice et compter à haute voix les chiffres et les respirations pour guider les autres participants et vous coordonner.
Les coudes sur la table (Pauses Yogist, Solar 2020) – Pour dénouer les trapèzes
Rien d’impoli dans cette pose, mais un antidote à la mauvaise humeur lorsque vous portez le monde sur vos épaules ! Placez une chaise à environ un mètre de votre bureau ou d’une table. Asseyez-vous au bord de votre siège, les pieds à plat sur le sol.
Placez vos coudes, écartés de la largeur de vos épaules, sur le bord de votre bureau. Joignez les paumes de vos mains, le bout des doigts pointés vers le plafond. Gardez vos avant-bras parallèles à la table et formez un angle droit avec vos coudes. Inspirez par le nez et allongez votre dos.
En expirant lentement, penchez-vous vers l’avant à partir de la taille. Laissez le haut de votre dos et votre tête descendre vers le sol, peut-être même plus bas que la table devant vous. Quand vous sentez un étirement supportable dans l’arrière des bras et dans le bas du dos et que vos omoplates se rapprochent l’une de l’autre, gardez cette position pendant cinq longues respirations. Fermez les yeux et laissez la nuque se relâcher et la tête descendre un peu plus bas à chaque expiration.
Le pigeon (Pauses Yogist, Solar 2020) – Contre les douleurs de sciatique
Lorsqu’on est assis pendant des heures, l’engourdissement guette le bas du dos. Votre remède anti-sciatique ? Le pigeon ! Asseyez-vous au bord de votre siège, le dos bien droit, les jambes fléchies et les pieds parallèles.
Allongez la jambe droite et posez le pied gauche sur le genou droit. Posez la main gauche sur votre genou gauche et appuyez tout doucement pour le faire descendre un peu plus bas vers le sol. Gardez le pied droit « flexe » – les orteils vers le haut – pour protéger le genou.
Si vous n’avez aucun problème de genou, de hanche ou de cheville et que vous voulez accentuer l’étirement, vous pouvez plier le genou droit.
Tout en allongeant la colonne vertébrale au maximum, inspirez profondément par le nez. Vous devriez déjà sentir un étirement dans la cuisse gauche, la hanche et le fessier gauche.
Pour aller plus loin, en expirant allongez votre dos vers l’avant en le gardant bien plat et pliez-vous à partir des hanches (sans arrondir le dos). Respirez ici cinq fois profondément, en essayant à chaque inspiration d’allonger un peu plus le dos vers l’avant et à chaque expiration d’abaisser un peu plus le genou gauche vers le sol, sans jamais forcer.
En inspirant, redressez-vous, reposez le pied gauche au sol et refaites l’exercice de l’autre côté.