Zack donne une seconde vie à tous les produits électroniques usagés
En 2016 Timothée Mével (M2016) a fondé Zack avec Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, une entreprise qui est désormais le leader français de la gestion des produits électroniques de seconde main. Zack, c’est 300 tonnes de produits électroniques sauvés de la décharge depuis sa création et 30 emplois directs et indirects créés sur notre territoire.
Quelle est l’activité de Zack ?
Zack garantit une seconde vie à tous les produits électroniques usagés des particuliers et des entreprises. Nous organisons leur collecte, puis nous faisons le tri : les produits de valeur sont revendus ; les autres sont donnés à des associations, réparés ou recyclés dans le respect de l’environnement.
Comment t’est venue l’idée ?
Depuis toujours, je suis sensible à la défense de la planète et à la lutte contre le gaspillage de ses ressources. Petit, j’avais comme responsabilité de tenir la boutique eBay de la famille, de revendre les produits qui ne nous servaient plus et de permettre ainsi leur réemploi. D’ailleurs, la toute première version de Zack consistait à toquer à la porte des habitants des environs de Berkeley où je finissais mes études, pour leur demander ce qu’ils avaient comme produits usagés qu’ils n’utilisaient plus, et à m’occuper ensuite de leur revente !
Quel est le parcours des fondateurs ?
Mon associé Pierre-Emmanuel est diplômé de l’Essec et je suis moi-même diplômé de Supaéro et de Polytechnique. Nous nous sommes rencontrés à l’université de Berkeley aux États-Unis, où nous avons élaboré les débuts de notre aventure entrepreneuriale dans l’économie circulaire.
Qui sont les concurrents ?
Le marché du reconditionné est en plein essor depuis une dizaine d’années, en Europe, aux États-Unis et en Asie. Il existe de nombreuses entreprises qui se concentrent sur le rachat aux entreprises et aux particuliers de téléphones, d’ordinateurs et de tablettes usagés, pour les reconditionner et les revendre par la suite (reBuy, Brightstar, Sofi Groupe, Itancia, pour n’en citer que quelques-uns).
Les marketplaces qui permettent aux particuliers et aux entreprises d’acheter du reconditionné deviennent aussi de plus en plus puissantes et connues par le grand public (BackMarket ou Agora Place en B2B). Mais aucune de ces structures ne permet de garantir une seconde vie à tous les produits électroniques usagés, quelle que soit leur valeur. C’est, à nos yeux, un frein pour que les particuliers franchissent le pas de se séparer des produits qu’ils n’utilisent plus. Et c’est la mission de Zack !
“Il faut repenser intelligemment notre manière de consommer.”
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Après Berkeley, nous avons été accélérés à l’incubateur NUMA dans le Sentier, ce qui nous a permis d’aller très vite sur la création de l’entreprise et le lancement de son premier service. Notre pré-seed et notre seed ont aussi été des étapes essentielles pour construire l’aventure en rencontrant des investisseurs qui nous ont fait confiance. Enfin, l’année 2020 a été marquante avec la crise et ses conséquences. Elle nous a conduits à repenser notre service de fond en comble pour lancer sa dernière version : zack.eco.
Il aura fallu à peu près 20 ans, depuis la sortie de Craddle to Craddle en 2002, pour que l’économie circulaire décolle vraiment en France. Pourquoi un tel retard ?
Tu es même plutôt positif en affirmant que l’économie circulaire a décollé en France ! Elle a eu un sursaut récent avec la loi anti-gaspillage (dite « loi AGEC ») et de belles avancées : l’indice de réparabilité, l’interdiction de la destruction des invendus non alimentaires ou encore l’interdiction de plusieurs produits en plastique à usage unique. Mais il n’existe toujours pas de secrétariat d’État à l’économie circulaire, qui de plus est rattachée à Bercy, pour transformer durablement notre économie ; cela reste un à‑côté. Ce phénomène de transformation vers plus de circularité prend du temps pour deux raisons principales.
D’une part, tout démarre de la conception du produit par les constructeurs : le produit doit être conçu pour durer et connaître plusieurs secondes vies. D’autre part, trop peu d’industriels ont commencé à raisonner ainsi, en privilégiant l’économie linéaire et ses gros volumes. Mais les consommateurs réclament plus de marques responsables, qui préservent les ressources et cherchent à diminuer leur impact environnemental.
Cependant, le principal paramètre d’un achat reste le prix. Et de nombreux produits de l’économie circulaire (par exemple le textile recyclé) restent chers, car la technologie et l’industrialisation n’en sont qu’à leurs débuts, et les économies d’échelle ne sont pas encore là.
Les écoles d’ingénieur forment à l’innovation, devraient-elles plutôt former au recyclage ?
Le recyclage est la dernière des solutions à privilégier en termes d’économie circulaire. On recycle lorsqu’on ne peut plus réemployer le produit en l’état (via un don, un partage ou une revente) ou le réparer. Lorsque l’on recycle un produit électronique, on ne peut malheureusement pas recycler 100 % de la matière et il y a donc un gâchis environnemental inhérent. L’économie circulaire est souvent confondue avec le recyclage, ce qui est une grave erreur. Les écoles d’ingénieur devraient plutôt former au circular design, c’est-à-dire comment concevoir des biens produits pour durer dans le temps et compter plusieurs vies. C’est le seul moyen de permettre à la planète de régénérer annuellement les ressources que nous exploitons.
L’essor du soft par rapport au hard ne risque-t-il pas d’anéantir les efforts du recyclage ?
Au contraire, si l’on raisonne purement rationnellement, le soft, ou le service en général, est la clé pour faire vivre de nombreuses vies au hard. Un logiciel consomme de l’énergie, certes, mais peut permettre au hard d’être amorti en termes de bilan carbone. L’économie circulaire est avant tout une économie de service qui cherche à se détacher de la multiplication de la matière nécessaire pour faire tourner l’économie, et donc de la production à outrance de hard.
Y a‑t-il selon toi matière à légiférer sur le recyclage, pour instaurer des bonnes pratiques réglementées ?
Tout à fait, la législation peut et doit jouer un rôle majeur dans l’avènement de l’économie circulaire, à un niveau français mais aussi au niveau européen. L’économie circulaire est d’ailleurs une priorité actuelle du green deal. Il s’agit de proposer de nouvelles lois pour inciter à une production et à une consommation responsable (comme le permet la loi AGEC évoquée plus haut), mais il s’agit avant tout de faire respecter la législation existante. Par exemple, toute plateforme e‑commerce dans un certain nombre de secteurs (tel celui des produits électroniques) doit permettre la collecte de produits usagés sur son site, pendant le parcours d’achat du consommateur. Cette règle n’est majoritairement pas respectée aujourd’hui par les acteurs, mais Bercy n’agit pas pour que cela devienne le cas.
Quel regard portes-tu sur cette mode consistant à réduire ses déchets à l’extrême, en termes d’alimentation ou de logement ?
C’est courageux et suscite l’admiration, mais il est illusoire d’espérer que cela devienne majoritaire. Pour que notre planète soit respectée et nos comportements durables, il ne faut pas arrêter de consommer, ce qui détruirait notre modèle social, mais repenser intelligemment notre manière de consommer. C’est tout le combat de l’économie circulaire, qui n’est pas l’économie de la décroissance totale.
Références :
https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire‑1